
Faut-il arrêter de donner des voitures de fonction ? Coûts, électrification, RH et transition écologique
Face à l’envolée des coûts des flottes automobiles, à la complexité croissante de la gestion des véhicules d’entreprise et à la pression croissante pour électrifier les parcs, de plus en plus de dirigeants s’interrogent : faut-il arrêter de donner des voitures de fonction ?
Des voitures de fonction de plus en plus coûteuses à gérer
Les coûts liés aux voitures de fonction ont explosé ces dernières années : hausse des prix des véhicules neufs, augmentation des coûts d’assurance, d’entretien, et bien sûr, incertitudes liées à la fiscalité sur les véhicules thermiques. À cela s’ajoute le défi logistique et opérationnel de gérer une flotte mixte (thermique, hybride, électrique) dans un contexte de transition énergétique. L’arrivée des modèles électriques implique des choix technologiques, des investissements en bornes de recharge et des arbitrages permanents.
Ce contexte pousse de nombreuses entreprises à envisager une alternative : la car allowance, crédit mobilité ou indemnité de mobilité, consistant à allouer un budget fixe au salarié pour qu’il gère lui-même son véhicule personnel. Cette solution paraît séduisante à première vue : plus simple, plus flexible, et moins lourde à gérer pour les équipes internes.
Une solution qui n’est pas sans conséquences RH
Mais supprimer les voitures de fonction n’est pas sans impact sur les ressources humaines. Dans de nombreux secteurs, la voiture de fonction reste un avantage en nature très valorisé, un levier d’attractivité et de fidélisation. La supprimer, même en proposant une compensation financière, peut être perçue comme une perte de pouvoir d’achat ou un désengagement de l’entreprise.
De plus, la car allowance transfère toute la complexité sur le salarié : choix du véhicule, financement, entretien, assurance. Cela peut créer des inégalités entre salariés selon leur capacité d’accès au crédit ou leur lieu d’habitation (zones rurales vs. urbaines). Et pour l’entreprise, cela ne simplifie pas tout : la gestion des indemnités kilométriques pour les déplacements professionnels reste un sujet complexe, souvent source de litiges ou de flous réglementaires. Il peut aussi créer un risque URSSAF important si le suivi des kilomètres professionnels est approximatif ou insuffisamment documenté.
La responsabilité des entreprises dans la transition écologique
Arrêter les voitures de fonction peut également poser un problème environnemental. En France, environ 60 % des voitures neuves sont achetées par les entreprises, ce qui fait du secteur professionnel un acteur clé de la transition écologique. En choisissant des véhicules électriques ou hybrides rechargeables, les entreprises participent directement à la décarbonation du parc automobile français.
Il faut aussi rappeler que les véhicules d’entreprise sont très souvent revendus sur le marché de l’occasion après 3 ou 4 ans. En ce sens, ce sont les véhicules professionnels d’aujourd’hui qui deviennent les véhicules personnels de demain. En retirant les entreprises de la chaîne d’électrification, on freine la diffusion des véhicules propres auprès des particuliers.
Un équilibre à trouver entre simplification, attractivité et engagement RSE
Plutôt que d’arrêter brutalement les voitures de fonction, les entreprises pourraient explorer des solutions hybrides. Par exemple :
- Proposer une car allowance optionnelle ou un crédit mobilité pour les collaborateurs qui préfèrent gérer leur propre mobilité ;
- Mettre en place un plan de mobilité durable intégrant vélo, transports en commun, autopartage, etc. ;
- Favoriser des voitures électriques ou hybrides rechargeables avec des contrats de location longue durée négociés à l’échelle de l’entreprise ;
- Offrir un accompagnement pour aider les salariés à faire le bon choix de véhicule, y compris en cas de car allowance.
Conclusion : ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain
Supprimer les voitures de fonction peut sembler une réponse rationnelle aux défis actuels. Mais cela revient parfois à externaliser les problèmes sans réellement les résoudre. Les enjeux de responsabilité sociale et environnementale, d’attractivité RH et de performance opérationnelle doivent être pensés ensemble.
Les entreprises ont un rôle stratégique à jouer dans la transition écologique de la mobilité. Transformer leur politique automobile, oui. Mais arrêter complètement les voitures de fonction, sans alternative crédible et responsable, pourrait bien être un pas en arrière.